Que se passe-t-il avec Tic Tac Toe ?

Par Renaud Cyr 7:30 AM - 29 juin 2024
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Le rorqual à bosse Tic Tac Toe fréquente le parc marin depuis 1999, et on le reconnaît grâce au grand X sur lobe droit de sa queue. Photo Renaud Pintiaux

L’état de santé d’une des grandes dames de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent inquiète. Arrivée trop amaigrie ce printemps, les chercheurs craignent le pire pour le rorqual à bosse de 27 ans aperçu chaque année depuis 1999 dans le parc marin.

Les chercheurs ont constaté qu’à l’automne, elle avait quitté l’estuaire avec beaucoup de kilos en moins qu’à l’habitude.

« Ce qu’on a noté, c’est que l’an dernier elle était déjà amaigrie alors qu’elle aurait dû être toute grosse et toute ronde », révèle le chercheur Robert Michaud, directeur scientifique et président au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).

On l’ignore

Robert Michaud fait savoir qu’elle ne démontrait aucun signe d’empêtrement ou de collision lorsqu’elle a été observée pour une dernière fois le 5 juin.

Bien que les chercheurs qui ont été en contact avec Tic Tac Toe ne sont pas entièrement certains des raisons derrière sa perte de poids importante, un « problème chronique » est l’hypothèse qui semble être la cause de son état.

Son âge vénérable de 27 ans chez les grands rorquals fait figure de quarantaine ou de cinquantaine chez l’humain. « Tic Tac Toe est jeune. Les individus peuvent vivre jusqu’à 50 ou 60 ans, et à cet âge-là, elle aurait pu continuer à produire des baleineaux pendant plusieurs années encore », dévoile M. Michaud.

Des images de drones de Tic Tac Toe où l’on peut voir sa perte de poids autour de sa nageoire dorsale, de son thorax et de sa nuque. Photo GREMM

La nature suit son cours

De concert avec les autres intervenants qui agissent sur le fleuve, le GREMM a pris la décision de laisser « la nature suivre son cours ».

Robert Michaud fait savoir qu’aucune démarche ne sera entreprise pour l’approcher et prélever des échantillons pour comprendre ce qui afflige Tic Tac Toe. « Même si on l’avait appris précisément, ça ne l’aurait pas aidé », estime-t-il, en ajoutant que si elle avait été prise dans un filet les choses auraient été différentes.

« Le problème de ces animaux-là, c’est qu’on intervient trop dans leur vie, et si on intervenait moins, ils seraient peut-être en meilleure condition », juge le chercheur. « Il y a des choses qui peuvent mal aller n’importe quand dans leur vie », ajoute ce dernier, « et c’est leur vie ».

Une pionnière

L’histoire de Tic Tac Toe est en quelque sorte l’histoire de la présence de rorquals à bosse sur le territoire du Parc marin Saguenay–Saint-Laurent.

Il n’y avait qu’un seul individu en 1999 qui apparaissait de façon sporadique, bien qu’ils aient été présents plus loin dans le golfe du Saint-Laurent et que leur population ait augmenté au début des années 2000.

« Quand les populations augmentent, habituellement leur répartition va s’étendre et les individus vont développer de nouvelles aires d’alimentation », fait savoir Robert Michaud.

En 1997, Tic Tac Toe vient avec sa mère et, grâce à son tempérament « d’exploratrice », plusieurs autres individus l’ont rejointe au fil des années en plus de transmettre cette culture à leurs veaux. Leur nombre oscille aujourd’hui entre 30 et 60 individus, voire 80.

Les petits poissons comme le lançon et le capelan forment de généreux bancs dans l’estuaire qui constituent la source d’alimentation principale des rorquals à bosse. « Ils ont découvert le snack bar. Quand tu as un bon spot, il faut que tu le gardes », souligne le chercheur avec humour.

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